Marc Léonard le rêveur insomniaque
Jean-Paul Gavard Perret
Au carrefour des oublis et de la mémoire (si infidèle) Marc Léonard réinvente les visages et le monde. Il trouve pour cela des solutions où tout ne concorde pas forcément. Parfois une horloge morose se remet en marche mais les heures que l’artiste aime n’y sont plus tout à fait. D’où ces suites de métamorphoses souvent énigmatiques même lorsqu’est peint un visage ou un corps. Le regardeur est touché par ces mystères sans être gavé de lourdeurs indigestes. Ne reste que l’essentiel. L’artiste aide à la la multiplication de croissants de lune pour torréfier les apparences. Il établit des liens qui soudent les créations à l’inconscient en proposant une poésie visuelle au tonus particulier : un côté masqué est là où l’image emporte les proportions admises en divers types de décalages. Tout reste entrevu dans une visualité de dissuasion. L’érotisme surgit de manière à en explorer une vision nouvelle hors de la joliesse comme de la laideur. Ce ne sont plus forcément les toisons sensuelles qui rendent les oiselles belles. Et les affinités possiblement électives demeurent des spéculations tant l’œuvre est fluide comme la nuit, pâteuse comme la dormeur, lourde-légère comme l’insomniaque rêveur. Elle crée un envoutement mais aussi une interrogation. Plutôt que de procurer de ces satisfactions superficielles qui laissent si peu de souvenirs, le travail accroche le regard par des mises à nu où est sauvegardé l’essentiel : une pudeur secrète. La peinture ouvre à une brume essentielle : c’est la manière de montrer qu’il y a moins de limite à rien que de fin à tout et qu’il est impossible de quitter cette terre sans penser à la mort mais aussi à la vie. Le tout entre douceur et torture. Marc Leonard est donc un artiste métaphysique mais qui n’oublie jamais le réel. Une bonne âme peut y repriser un pantalon. On imagine encore celle-là belle ou énigmatique. Mais l’artiste n’en montre pas plus : il ne se veut pas expert en jeux ou en marivaudages. Il refuse autant la réalité objective que le hasard factice.