Été ici À propos de l’exposition PAPIERS 1000 SAISONS de Marc Léonard, à la galerie AUTOUR DE L’IMAGE du 08/02/2020 au 07/03/2020
« L’Esprit humain est apte à percevoir un très grand nombre de choses, et d’autant plus apte que son Corps peut être disposé d’un plus grand nombre de manières. » (1)
Que l’on conçoive la puissance comme aptitude à pouvoir être affecté du plus grand nombre de manières possible, et en retour pouvoir affecter d’autant de façons (2), alors l’ensemble de dessins « les mille saisons », et particulièrement la suite « l’été ici », sembleront procéder de cette persévérance et participer à cette force. Car rien ici n’est étranger, dans la coprésence simultanée des êtres. L’humain, l’animal, la plante, la chose, s’entretiennent dans une pluralité de rapports – embrassades, soulèvements, couvertures, coupures –, on se renifle, se pousse, s’obstrue, se mange…
À cette dynamique des corps correspond toute une physique graphique, de traits qui s’aimantent, s’accrochent par boucles, s’orientent en vibrant, de pigments qui colmatent, de papiers qui coupent et coiffent… Mais on se méprendrait en voyant là un langage, c’est-à-dire une interprétation du réel et donc une distance. Car dès qu’une trace s’inscrit sur la feuille, qu’un fragment s’y dépose pour rechercher sa place, ils suscitent immédiatement la même empathie que celle éprouvée tout à l’heure pour un âne ou pour un chien. Ces pauvres marques, des marges de l’existence, sont ramenées à notre considération la plus sérieuse, et avec elles il faut compter, c’est-à-dire composer. C’est aussi pour cela que l’on rencontre un trait-museau, un contour-étreinte, un rectangle-protection… Intrinsèquement les affects du dessin.
Maintenant que les acteurs ont été convoqués – les êtres, leurs rapports, le dessin, ses interactions –, il convient de briser toute hiérarchie ou logique de succession dans cet heureux continuum. Car « l’été ici » est aussi un « être-là », et dans l’immanence il n’y a point d'origine. C’est ainsi que du trait-virgule ou de la queue remuante, il est indécidable de savoir qui a commencé et engendré l’autre dans cette oscillation vibratoire. Nous ne pouvons que tirer un fil dans ce joyeux pêle-mêle, en espérant évoquer l’ensemble et exprimer quelque chose comme l’éthique de Marc Léonard.
Charles Ferrier, à Lyon, le 14/02/2002
1 Spinoza, Éthique – De l’Esprit, proposition XIV –, traduction Bernard Pautrat.
2 Ibid, De la Servitude humaine, proposition XXXVIII.

