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Un éclairage texte 2
Victor Cohen-Hadria, 2016


      

Mon ami Léo est un peintre que j'admire, mais il est monteur de profession, donc, avant tout c'est un montreur. Entre les deux termes git l'R» de la carmagnole, car ce qui suscite l'illusion en démonte aussi le mécanisme. L'art du montage est celui de l'assemblage, il rapproche deux images de telle sorte qu'elles induisent une continuité convaincante et

que même leur rupture soit une incitation discursive. Il élimine la réalité temporelle au profit d'un monde rêvé qui interroge l'imaginaire et l'incite à confondre le fantasme avec le réel.

Le montage est l'art du mouvement figé, la peinture est celui de l'immobile mouvant, cela se vaut et Léo le sait bien. Il sonde sans cesse, sans soucis du format, la puissance des interstices, c'est-à-dire la beauté abyssale de ce qui ne se dit pas, de ce qui ne se voit pas, en un mot de ce qui se cache sous les broussailles de l'habitude.

La pratique judicieuse du montage, implique un regard capable de repérer à I'image prés, parmi les vingt-quatre qui défilent chaque seconde, celle qui, à l'exclusion de toute autre restituera la linéarité inflexible du temps de l'oeil et du cerveau. Dès lors des correspondances, invisibles au profane s'établissent, qui réunissent dans un même ensemble, j'allais dire dans un même lit, les éléments épars qui, dans la vie, alertent l'animal qui gît en nous et l'incite à la fuite ou au combat. Cette attitude ralentit le temps pour assurer la sauvegarde de l'être qui est le pendant inaltérable de sa reproduction.

Les tableaux de Léo sont exactement cela, un temps aboli en un espace mouvant, ceux-là mêmes qui régissent la recherche de la volupté. C'est pourquoi nul ne peut se défendre de la nature érotique de la matière étalée sur la toile et qui fige le geste, pour révéler le monde. Pourtant, l'oeuvre de Marc Léonard, n'est pas le simple pendant de sa pratique cinématographique, elle est la substance même de son existence. Elle réunit la détresse de l'exil et la passion du vagabondage, la peur de l'avenir et la fascination du lendemain, les jouissances de l'amour et l'impossible compréhension de l'autre, en un mot, la vie. Léo est comme Perceval le Gallois il fait tout autrement, mais contrairement à celui qui nosa pas poser la question, il interroge sans cesse.

 

Victor Cohen Hadria

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